Le site d'Hervé Favre dans la mini-transat 2001

 

 

 

Un Genevois de Londres portera l'espoir des enfants du monde dans l'Atlantique Sud
Thierry Meyer, Londres
Article paru dans le Temps,Mardi 18 septembre 2001


VOILE. Hervé Favre est le seul Suisse qualifié pour participer à la mini-Transat La Rochelle-Salvador de Bahia (Brésil), dont le départ sera donné samedi 22 septembre. Ce sportif accompli ajoute l'engagement humanitaire à son défi personnel. Sa régate permettra ainsi de financer une activité spécifique destinée à des enfants défavorisés.



Deux jours de tempête, des vagues de cinq mètres de haut, courtes pour mieux faire mal, une visibilité nulle, le corps transi de part en part. Hervé Favre se souviendra longtemps de sa première mini-Fastnet, accomplie «pour le plaisir» mi-juin entre la Bretagne et le mythique phare irlandais, sa qualification pour la mini-Transat 2001 en poche. Mais rien ne saurait altérer le sourire éclatant de ce Genevois de 31 ans, surtout pas une mer difficile, terrain de jeux à la hauteur des aspirations d'un jeune juriste au parcours hors du commun, qui sera le seul Suisse à participer à cette classique des courses hauturières en solitaire. Rencontre sur une terrasse italienne de Londres, domicile que le régatier vient de quitter.
«C'est grâce à Muriel que je fais de la voile.» Les mots d'Hervé Favre résonnent d'un altruisme de tous les instants, ponctué d'hommages appuyés à sa femme, «qui aura eu autant, si ce n'est plus, de mérite que moi dans cette aventure». Compétiteur de pointe en ski de fond jusqu'à la fin de ses études de droit – il a grandi à Saint-Cergue –, amateur de triathlon, Hervé découvre le bateau sur le Léman avec sa douce moitié. «C'était chouette, mais ça n'avançait pas assez vite pour moi...» L'achat d'un multicoque lui instillera définitivement le virus.
Depuis, le chemin professionnel conduit Hervé Favre à Londres. Une première expérience dans une étude d'avocats précède un engagement, en 1997, au service juridique de la banque privée Lombard, Odier et Cie. Après dix-huit mois à Genève, le jeune Favre est renvoyé sur les bords de la Tamise. «L'important, c'était d'être près de la mer», glisse l'intéressé. Hervé Favre multiplie les régates avec des copains suisses dans le Solent, cette Mecque de la voile, à bord du X99 acheté trois mois après son arrivée à Londres.
En 1999, Hervé Favre suit intensément l'évolution de la mini-Transat, cette course où, tous les deux ans depuis 1977, les marins s'affrontent en solo, sans assistance, sur deux étapes entre l'Europe et les Antilles (le Brésil depuis cette année), à bord de voiliers de 6,50 m de long. «Je me suis dit que tout me correspondait dans cette course: le budget, la nature du défi, le mariage entre amateurs et professionnels, se rappelle-t-il. Sur les 24 participants du dernier Vendée Globe, 20 ont accompli la mini-Transat, c'est une référence qui compte.»
Hervé Favre se décide pour un voilier de série, parce qu'il pourra continuer d'emmener sa famille sur l'eau le week-end, et passer la barre à son fils Robin, 3 ans. Juste avant d'aller voir Pogo, le constructeur du voilier le plus populaire (et le plus performant) de la catégorie, l'avocat déterminé s'accorde «un moment de flottement»: la naissance de sa fille Julie. Il finit par dégotter aux Antilles une bonne occasion (la liste d'attente est trop longue pour du neuf) qu'il paie 60 000 francs les yeux fermés.
Le rodéo des qualifications peut commencer. Après avoir édicté des critères préalables trop souples, la course impose désormais des exigences que seul le Vendée Globe dépasse en difficulté: 1000 milles (1 mille = 1852 mètres) en solo sur un parcours dangereux (La Rochelle-mer d'Irlande-La Rochelle), plus 1000 milles de régates de classe, en solitaire ou en double, dont au moins une régate de plus de 500 milles. «Quand tu bosses, ces qualifications prennent un temps fou, d'autant que même s'il existe une classe mini en Angleterre, il n'y a pas une seule régate», constate Hervé Favre. Alors, le jour où il va prendre livraison de son voilier à Lorient, le Genevois participe à une course contre la montre autour de l'île de Groix, puis part directement affronter ses dix jours en mer, les dangers du rail d'Ouessant, la crainte de ne pas savoir gérer son sommeil, la solitude.
Suivent des courses à Barcelone, à La Trinité-sur-Mer, à La Baule, avant la mini-Pavois (700 milles entre La Rochelle, Portsmouth et Saint-Quay-Portrieux), qui boucle le parcours qualificatif du Genevois. Et cette fameuse mini-Fastnet en double, dans la furie irlandaise.
Informé du projet, et enthousiaste face à ce défi, l'employeur d'Hervé Favre lui accorde un congé non payé de quatre mois. Lorsqu'ils apprennent que leur jeune juriste a besoin d'une rallonge financière, les associés décident de lui donner un coup de main. D'autant que la philosophie d'Hervé Favre va dans le sens d'un établissement qui ne tient pas à étaler en grosses lettres sa raison sociale sur un spi...
«Je voulais utiliser ma démarche pour une œuvre de bienfaisance, afin de faire partager ma chance à d'autres, explique-t-il. L'influence de la culture du «charity» anglais m'a conforté sur cette voie.» Son choix se porte sur Children Action, dont il connaît le fondateur, le financier genevois Bernard Sabrier. Le voilier a trouvé son nom. L'opération aboutira au financement d'une activité spécifique destinée à des enfants défavorisés. Hervé Favre s'est engagé à reverser à l'œuvre caritative 50% des fonds qu'il récoltera via son site Internet (www.mini-transat.net). Voilà pour l'objectif financier.
Et le but sportif? «Je veux terminer dans les dix premiers de la classe série», répond Hervé Favre. La mini-Transat accueillera 25 prototypes, 25 voiliers de série et accordera cinq «wild cards». Et après? Le multicoque lui manque un peu, mais ses projets sont ailleurs. En décembre, il rejoint les Bermudes pour le compte de sa banque. «Muriel va jongler avec les enfants entre la Suisse, le départ, les Canaries pour l'étape, les Bermudes pour trouver une maison et le Brésil pour l'arrivée, tout en gérant le site de ma course. Quand je vous dis qu'elle est admirable...»