Le site d'Hervé Favre dans la mini-transat 2001

 

 

 

LE RECIT DE LA TRAVERSEE
Alors qu'il reste un skipper en mer, Hervé nous livre enfin ses impressions sur sa régate.

En marchant sur le ponton, on est impressioné de savoir que tous ces bateaux viennent de traverser l’Atlantique avec un seul homme (ou femme) à bord. Pourtant, quand on leur parle, ils ne réalisent pas vraiment qu’ils viennent d’accomplir quelque chose d’incroyable.

De la terre, on a eu l’impression que cette 2ème étape a très vite passé. Etait-ce le cas sur le bateau ?
La première semaine, des Canaries jusqu’au Cap Vert, a effectivement passé très vite, car le vent était fort et nous navigions au portant sous spi. Elle était par contre très fatiguante nerveusement car naviguer sous spi la nuit dans des conditions soutenues demande beaucoup d’attention et de présence d’esprit. C’est très risqué et il faut être un peu fou pour continuer à pousser le bateau 24 heures sur 24. La deuxième semaine a bien commencé jusqu’au passage du pot-au-noir. Et là, contrairement à toutes les attentes, le pot-au-noir a été très facile a traverser : 2 jours sans pratiquement s’arrêter. J’ai été poussé par 3 grains qui à chaque fois m’ont fait avancer de 50 miles vers le sud. Par contre, une fois le pot-au-noir franchi, le temps a passé lentement car c’était au près et il me restait plus de 1500 miles à parcourir. De plus, les derniers jours vers la côte brésilienne, on a eu un vent léger et comme souvent les derniers moments de la course semblent très longs.


C’était ta première rencontre avec des grains (orages sur l’eau) ?
Oui, il y a les grains du pot-au-noir et les autres. Les premiers étaient avant les îles du Cap Vert et pas très vigoureux. Par contre, ceux du pot-au-noir étaient musclés avec des vents montant facilement à 40 nœuds. Durant les 10 premières minutes, le vent est extrèment fort et j’ai navigué avec 1 ris dans la grand voile et sans voile d’avant. Puis après on peut remettre plus de voile et suivre le cap le plus au sud possible. Pour le pot-au-noir j’ai eu beaucoup de chance car les concurrents ont tous eu des conditions différentes et je pense que j’ai eu de bonnes conditions. Dans un des grains, les éclairs ne sont pas passés loin, c’est un peu stressant.

 

As-tu plus souffert de la solitude plus que lors de la 1ère étape ?
La première semaine s’est bien passée car on parlait régulièrement à la VHF mais pendant les 15 derniers jours, je n’ai plus eu de contact avec qui que ce soit, sauf un cargo anglais dans le pot-au-noir. Cela a été difficile mais heureusement j’avais pris un dictaphone qui m’a permis d’exprimer mes émotions et mes moments de déprime ou de joie.
Le fait d’écouter de la musique aide pas mal à faire passer le temps et j’ai également lu deux livres entiers (la terre est ronde et le troisième jumeau). Tous les jours j’écoutais RFI à partir de 11heures 30 pendant 1/2 heure (nouvelles du monde et de la course) puis il y avait la vacation sur Monaco Radio avec les classements. Et ceci est très motivant ccar je n’étais pas si mal placé et les écarts entre les bateaux étaient très serrés.
Les réparations effectuées à Lanzarote ont-elles tenu ?
Oui, j’ai eu aucun problème technique à part des déchirures dans le spi que j’ai scotché. Le Pogo est un bateau qui est vraiment bien construit. C’était sa 3ème traversée et il a tenu sans broncher. C’est incroyable.
A quelle heure as-tu passé l’équateur ? C’était à 6 :30 du matin. J’ai donc fêté avec du champagne et des Lakerli (et partagé le tout avec Neptune et le bateau). C’est à midi que je me suis fait le plat de fête avec le foie gras, les pâtes à l’huile d’olive et au parmesan et la glace des astronautes de la Nasa.

 

Réalises-tu que tu a accompli un exploit ?
C’est quand j’étais au milieu de l’atlantique avec 4000 mètres d’eau sous le fond que j’ai réalisé qu’il était incroyable de traverser l’océan en solitaire sur ce petit bateau.
As-tu vu des compagnons de voyages ? Les plus nombreux étaient les poissons volants et chaque matin, au lever du soleil, je faisais le tour du bateau pour les compter et les remettre à l’eau. Il y en a des tout petits et des plus gros, mais j’avais pas envie de sushi ! J’ai aussi vu un jour un grosse baleine au loin qui sautait dans l’eau et faire des grosses gerbes. Et des dauphins que j’ai filmés.


Les moments les plus durs ? Les deux jours après le passage du pot-au-noir comme si je subissais un contre-coup. Je pensais avoir fait le plus dur et il reste encore plus de la moitié à faire. Après avoir fait le plus dur, tu as envie d’en finir et c’était loin d’être le cas. Tout ceci est très psychologique. Je pense que ceux qui ont déjà fait une telle traversée sont mieux préparés psychologiquement car ils se savent à quoi s’attendre. Un autre moment dur a été lorsque j’ai fait un coquetier dans mon spi (c’est lorsque le spi s’emmêle autour du cable avant). J’ai passé 6 heures de nuit à le défaire. J’étais debout sur le tangon et accroché à l’étai. Ca m’a fait des bleus dans mon bras. Pour vous rassurer, j’étais attaché ! Et j’ai réussi à le défaire sans déchirer le spi !
Les deux derniers miles avant la ligne ont aussi été durs. Y’avait du courant contraire qui me faisait reculer et peu de vent….alors que je voyais la ligne d’arrivée.
As-tu souffert physiquement ? J’ai perdu 4 kg mais n’ai eu aucun problèmes de santé, juste (et comme tous les skippers) les fesses qui ont été rongées par le sel. Ca a gaché un peu le plaisir de naviguer.


Tes meilleurs moments ?
Les deux jours de naviguation après le Cap Vert, bord à bord avec Loic Le Bras, dans des conditions idylliques. Force 4, sous spi, 7-8 nœuds de moyenne, pas trop de houle…. Génial. Le passage de l’équateur, et l’arrivée lorsque j’ai vu Muriel et les enfants dans le canot moteur. Alors que je pensais qu’il n’arriveraient que deux jours après…


Comment s’est passée la récolte de fonds pour Children Action ?
C’est une réussite totale car nous avons récolté plus de 25'000 francs suisses, en grande partIe grâce à la générosité des employés de Lombard Odier. Cela va ainsi financer le voyage de 30 enfants défavorisés en Laponie pour aller dire bonjour au Père Noël.

Quels sont tes projets ?

Par une chance incroyable le bateau a déjà trouvé un acquéreur (un américain de Boston de 24 ans qui désire faire la prochaine Transat). Je vais maintenant profiter de prendre de vraies vacances avec Muriel et les enfants qui l’ont bien mérité et découvrir en janvier ma nouvelle maison aux Bermudes que Muriel a trouvé. Concernant la voile, j’aimerai bien refaire du multicoque, mais on verra où et comment.